Années 50
|
En 1956, Paul,
porte déjà son surnom de Tex qu’il avait rapporté d’un été de
travail dans l’Ouest Canadien. Un ceinturon acheté alors portait,
sur sa boucle, le mot ‘’Texas’’. Les aléas de la vie eurent vite
fait de ne laisser intactes à celui-ci que les trois premières
lettres. Ce nom rappelant l'univers des pionniers dont l'artiste a
conservé une certaine attitude héritée de ses fréquents séjours chez
les bûcherons et les draveurs, fit rapidement l'unanimité.
C’est à ce
moment que Tex s’installe dans cette ruche de créativité qu’est la
rue Ste-Famille dans les années 50. C’est une époque de taudis, de
ruelles et de scènes de villes ou les habitants semblent aujourd’hui
venir d’un monde un peu surréel tant on a oublié cette époque
pourtant pas si lointaine.
Le travail
pictural de Tex, à cette époque, tient un peu des symbolistes
français. Il rehausse de traits noirs les formes de façon à en
mieux cerner le caractère. Son travail est alors un peu sombre et
laisse mal deviner le fin coloriste qu’il deviendra beaucoup plus
tard.
C’est à cette
époque, suite à un déménagement rue Cherrier, que Tex fait la
rencontre de Léo Ayotte (1909-1976) qui deviendra un ami et une
influence marquante pour le jeune peintre qui admire les talents de
coloriste de son aîné. |
Tex vit alors la
vie de bohème. Il dessine pour les touristes sous la statue de
Champlain à Québec et vit de petites besognes çà et là. Pendant six
étés, il travaille comme capitaine de caboteur en Gaspésie et
découvre une population qui inspire son travail d’artiste de
l’époque.
C’est aussi à
cette époque qu’il rencontre un homme d’affaires montréalais du nom
d’Alex Goldstein. Ce dernier ayant été frappé par le travail
pictural de l’artiste le fait pratiquement vivre. Il achète la
presque totalité de la production de l’artiste à prix modique
assurant ainsi à Tex une bien relative sécurité.
À la récolte du tabac,
années 50 |
|
Gaspésie, années 50 |
Tex termine ses
études aux Beaux-Arts en 1957. Il commence alors une période
marquante de sa vie et de sa carrière qui fera de lui une vedette
importante du Québec.
Fin des années
cinquante, Tex s’installe Place Jacques-Cartier dans le Vieux
Montréal, alors quartier de prédilection des musiciens.
Sa formation en
publicité aurait pu lui procurer une certaine sécurité mais, peu
enclin à accepter une vie embourgeoisée de neuf à cinq, il reluque
bientôt vers la musique. |
Déjà porté sur
la guitare et la poésie, Tex devient rapidement un membre important
de la culture des chansonniers florissante de la fin de cette
décennie marquant le début de la Révolution Tranquille au Québec.
En 1959 par
l'entremise d'une amie, il rencontre le folkloriste, chanteur et
producteur Jacques Labrecque (1917-1995), alors responsable de la
Série française chez les Disques London. Celui-ci lui fait endisquer
son premier quarante-cinq tour ‘’Le Grand Jos’’. Le succès de ce
premier disque mène bientôt à l’enregistrement d’un premier album :
‘’Complexe de la chanson canayenne’’ qui sort fin 1959 et où l’on
retrouve le jeu de guitare fascinant d’une véritable légende du jazz
montréalais, Tony Romandini.
Le disque est
teinté d’un humour un peu rustique (Elle avait un trou, Les poules,
Parc’ que, La grise) et d’une connaissance évidente de l’héritage
culturel rural du Québec. Les ''p’tits canots'' – bars dansants
plus ou moins clandestins - de l’arrière-pays et les bals à l’huile
revivent dans des chansons rappelant un passé déjà lointain (Ça
valsait, Le bal chez Jos Brûlé). Tout aussi important, plusieurs
pièces démontrent une conscience sociale exacerbée et une certaine
philosophie de l’existence valorisant la vie simple et l’absence de
souci des apparences (Autant en emporte le vent, Ainsi va la vie). |
Photo de promotion, années 60 |
Photo de promotion, années 60 |
En ce début
bohème des années soixante alors qu'il enseigne à l'Atelier Libre
rue Berri, on peut entendre Tex dans les nombreuses boîtes à
chansons du Québec : le Patriote, la Butte à Mathieu, le Cochon
Borgne et plusieurs autres. De nature entreprenante, on lui confie
bientôt la supervision de la programmation à La Poubelle, puis à La
Catastrophe, deux boîtes qui accueillent les jeunes auteurs
compositeurs, les poètes et autres artistes débutants.
n 1961, un
deuxième album – toujours accompagné de Romandini à la guitare -,
‘’Mes chansons’’ explore plusieurs des mêmes thèmes mais aussi,
résultat de son travail en Gaspésie, des thèmes de mer (Va!
Goélette, Petit oiseau blanc) et sur la vie des bûcherons et des
draveurs (Le lac Saguay). Fin publicitaire, on remarque, sur la
photo de la pochette son maillot orné d’une poubelle faisant, mine
de rien, référence à son affiliation à la boîte du même nom!
Tex est
maintenant solidement installé dans le monde de la musique
populaire, il ne lui manque maintenant qu’un succès populaire à la
radio. |
Ce succès arrive en
1963 avec la chanson ‘’Le dernier des vrais’’ pièce ou l’humour vient
côtoyer un certain romantisme quant à la vie des gars de bois que Tex
aime illustrer.
En 1970, la
contre-culture et la mode hippie donnent à Tex un air de presque
respectabilité. Cherchant à capitaliser sur l’engouement du public
pour le style de musique et de vie des nouveaux bohèmes,
Télé-Métropole, station de télévision montréalaise, invite Tex à
animer une émission de variété hebdomadaire qui s’appellera ‘’Sous
mon toit ’’. (Écouter le thème)
L’émission qui
recevra des invités des sphères variées du monde du spectacle de la
francophonie reflète bien la personnalité de Tex. On peut y
entendre les idoles branchées bien sûr, mais aussi des monuments du
folklore québécois tel qu’Ovila Légaré qui deviendra même un
régulier de l’émission et qui aura une influence certaine sur le
travail de Tex et de ses collaborateurs au cours de la décennie
soixante dix. |
Fin des années 60 |
|
Tex,
l’anti-conformiste, revêtira tout de même, son complet de velours
vert pour accepter un prix au Gala des Artistes venant couronner le
succès de l’émission.
Parmi les
collaborateurs de Tex à cette époque, on ne peut évidemment ignorer
Paul Baillargeon , compositeur et arrangeur de talent qui marquera
la musique de Tex de façon indélébile ainsi que Rémi Migneault qui,
avec ses chœurs, contribuera largement au son ‘’Tex’’ de cette
époque.
Les années
soixante dix, c’est aussi le mariage de Tex à Loulou, sa compagne de
longue date et l’arrivée dans la famille, qui comprend déjà
Anne-Marie, d’une fille, Marie-Douce et d’un fils, Saguay.
Tex profitera
aussi de sa notoriété pour tâter de la publicité ou sa bonne bouille
et son côté sympathique fera le bonheur des annonceurs.
Du coté
enregistrements, la décennie marquera la maturité de l’auteur
compositeur mais aussi, malheureusement, la fin de cette facette
d’une carrière multidisciplinaire.
|
Des titres :
1970 : Sous mon
toit avec le succès du même nom, tiré de l’émission
1972 : Tex Lecor,
c'est moi... et lui aussi, peut-être son album le plus ‘’fini’’ tant du
point de vue musical que poétique. La collaboration avec Baillargeon et
Migneault y est consommée et les atmosphères sont étudiées de façon à
montrer les différentes facettes du talent de Tex.
Quelques titres :
Pierrot et la rose; Bout de bon Dieu; Pauvre jeunesse; Quand viendra le
temps; Big Swede et l’incontournable Le frigidaire, son plus éclatant
succès.
Cette chanson du
Madelinot George Langford sera traduite en quatre langues et fera un
malheur à travers le monde et apportera à Tex une sécurité financière
suffisante pour lui permettre de poursuivre sa carrière selon ses
termes.
La même année parait
‘’Mon monde à vous’’ ou les chansons reflètent bien les préoccupations
de Tex quant à la vie d’homme marié et son amour pour sa muse.
1972 c’est aussi
une année charnière dans la carrière de Tex le peintre. Il
rencontre Denis Beauchamp qui est alors à inventer le métier d’agent
d’artistes au Québec. Tex accepte de confier sa carrière à
Beauchamp ce qui permet alors à l’artiste de se concentrer sur la
création sans avoir à se préoccuper des facettes plus terre à terre
de la vie d’artiste professionnel.
Ses moyens
financiers lui permettent aussi l’acquisition d’un atelier à
Sainte-Thérèse de Blainville ou il travaillera jusqu’en 1975.
C’est à cette
époque qu’il adopte la ‘’manière noire’ de Marc-Aurèle Fortin qui
consiste à donner un fond foncé aux tableaux qui force l’artiste à
utiliser des couleurs brillantes en contraste de façon à donner une
luminosité caractéristique au tableau. Tex ne possédant pas encore
la palette lumineuse qui le caractérisera plus tard, il se consacre
à développer cet aspect de son travail. |
|
À travers des scènes
de groupe ou il démontre le même souci du détail et la même passion du
narratif que l’on trouve dans ces textes, il développe un sens peu
commun de la composition. Malheureusement, les tableaux de cette époque
manquent encore de la brillance caractéristique du travail ultérieur.
L’œuvre de cette
époque est souvent marquée par un commentaire acerbe sur la religion,
les institutions et les vices et vertus qu’on retrouve aussi dans
plusieurs de ses textes. (Quand ça n’tourne pas rond, Bout de Bon Dieu,
Quand viendra le temps, St-Scholastique Blues, etc.)
C’est aussi le temps
ou, à bord de son avion Stinson 1948, il se tourne résolument vers le
Nord et ses habitants ainsi que vers sa grande passion, la chasse et la
pêche. Il transmettra cet amour du pays encore sauvage à travers sa
peinture, tout au long de sa carrière.
En 1973 l’album
Quand je rêve, c'est en couleur est lancé. Un hit majeur ‘(Ti-bicycle)
et des chansons engagées et profondes (Quand ça n’tourne pas rond,
St-Scholastqiue Blues).
En 1974, un album
éponyme où l’on sent un sentiment grandissant de cynisme face à la vie
de vedette et une certaine nostalgie des jours plus simples (La théière,
dans mon shack).
Le Festival de l'humour |
Peut-être un
peu prémonitoire, cet album arrive au moment ou Tex diversifie ses
activités. Il fait maintenant de la radio à CKAC avec le Festival
de l’Humour Québécois, une émission hebdomadaire ou ses talents de
musicien sont mis de côté au profit de son talent d’humoriste. Ses
comparses de l’époque : Louis-Paul Allard, Roger Joubert et Pierre
Labelle.
Cette facette de
sa personnalité deviendra tellement importante qu’il personnifiera
bientôt pour des millions de Québécois la face même de l’humour
radiophonique tant avec le Festival qu’avec ses Insolences d’un
téléphone.
Un album
‘’live’’ au Patriote toujours en 1974 contient plusieurs succès
connus mais aussi son dernier hit original : Tout l’monde est de
bonne humeur.
1978 marque la
fin de la carrière musicale deTex avec l’album Mon plus récent
Lecor. Un hit majeur marque cette fin de carrière Lucille, une
version française traduite par Tex d’un méga succès de Kenny Rogers.
|
La fin de la
décennie marque le nouveau début de ce que Paul Lecorre considère sa
véritable carrière, celle de peintre professionnel.
compter du moment ou
il fait ses adieux (plus ou moins permanents) à la chanson, Tex se
consacre principalement à sa carrière de peintre qui partage son temps
avec une présence presque continue au sein du monde de la radio et de la
télévision.
Le Festival de
l’Humour continu à battre des records de popularité et ses Insolences
d’un téléphone gagnent la faveur du public, un peu plus chaque année.
Cette facette du talent de Tex est d’ailleurs souvent la plus connue par
le public qui partage une complicité évidente avec le farceur et qui n’a
pas toujours bien compris le peintre et le poète.
Au début des années
80, Tex passe de l’ombre à la lumière.
Son travail
pictural des trente années passées l’amène enfin à une maîtrise de
la lumière et à une palette de couleurs sans pareilles. Son coup de
pinceau est plus large, plus souple donnant à son travail une
distinction et un air fier incontestables.
La demande pour
ses œuvres devient telle que Tex peut, à toutes fins pratiques,
vendre la totalité de sa production. Mais Tex est un artiste
intègre qui a su apprendre sa leçon. Il ne peint maintenant que ce
qui lui plait, sans compromis et sans verser dans la recette facile
et la répétition sans âme.
C’est aussi à
cette époque que naît Vickie, la cadette de ses filles que Tex et
Loulou adoptent en 1981. |
|
Au milieu des
années quatre-vingt Tex, accompagné d’autres artistes désireux de
promouvoir l'art figuratif au Québec et à l'étranger, fonde
L'Institut
des Arts Figuratifs qui regroupe maintenant plus de 160 peintres et
sculpteurs professionnellement actifs dont plusieurs ont une renommée
nationale et même internationale. Il sera président de l’IAF de 1986 à
1990.
En 1987 le
réalisateur Pierre Savard et Iris Film choisissent Tex comme
‘’ambassadeur itinérant de la peinture canadienne’’. À ce titre il
parcourra le Canada dans une mission de partage artistique avec de
nombreux peintres canadiens. Il rapportera de ce périple une vison
renouvelée et une quantité de tableaux étonnants par leur richesse et
leur simplicité.
Une dizaine de ces
tableaux seront choisis pour un coffret de dix lithographies à tirage
limité : PAYSAGES À TRAVERS LE CANADA
|
La fin des
années quatre-vingt marque aussi le début d’une autre passion la
moto. Pendant plusieurs années, dans la tête des Québécois, Tex
l’artiste, le chanteur, l’humoriste devient Tex le motard. Grand
amateur de Harley-Davidson, il parcourt les routes en compagnie de
ses copains motocyclistes et développe, un peu malgré lui, une image
qui, de son propre aveu, ne colle pas réellement à la réalité. Cette
image et les questions qu’elle attire feront qu’il abandonnera
d’ailleurs peu à peu ce passe temps au cours des années quatre-vingt
dix.
La décennie
quatre-vingt dix sera aussi marquée par des problèmes de santé
cardiaque ainsi que par une prise de conscience de certains
problèmes liés à son style de vie qui, de l’aveu même de l’artiste,
minent sa créativité. Il abandonnera l’alcool au milieu de la
décennie et consacrera désormais ses énergies à des fins plus
créatives.
|
Pendant treize
saisons, Tex a retrouvé ses acolytes du Festival de l’humour –
Allard, Joubert et, avant son décès, Pierre Labelle – ainsi que la
chanteuse Shirley Théroux pour une émission de télévision consacrée
aux aînés, Y’a plein de soleil. Les larrons reprennent le collier
en offrant une formule légère à un auditoire qui a vu Tex et les
autres évoluer vers ce qu’ils sont maintenant.
En 2004 il
comble enfin ses admirateurs en leur offrant un nouvel album qu'il
appelle ''Je t'aime - mon dernier CD''. Celui-ci contient certains
de ses grands succès ainsi que quelques nouvelles chansons.
En 2005, il
réédite le même album réenregistré avec musiciens. Cette nouvelle
version donne pleine mesure aux nouvelles chansons et apporte une
toute nouvelle dimension à des pièces comme St Scholastique Blues et
le sempiternel frigidaire. |
Y'a plein de soleil (TQS) |
2013
Photo : Yves Sauvageau
|
En mars
2010, Tex a été nommé membre de l’Ordre de la Pléiade de l’Assemblée
Parlementaire de la Francophonie.
Il
a aussi été honoré du prix Pierre-Bourgault. «LeQuébec aux
Québécois», chantait-il dans Patriote, en 1969...
En
2013, son agent, Multi Art Ltée. publie
un livre où plusieurs de ses amis, collaborateurs et admirateurs
en profitent pour coucher sur papier leurs souvenirs et leur
impressions de l'homme et son œuvre. La galerie le Balcon d'art
consacre aussi une exposition majeure aux œuvres récentes et moins
récentes de ce géant de l'art figuratif au Québec.
Suite à cette grande exposition, Tex n'arrête évidemment pas de
peindre!
C'est ce qui l'amène à préparer une dernière exposition qui se tient,
encore une fois, chez-lui, au Balcon d'art en juin 2017.
On
l'y trouve en grande forme malgré ses 84 ans. Il en paraît vingt de
moins et fait preuve de la même énergie et du même talent que
toujours.
Au
cours de l'été 2017, il se joint à plusieurs autres artistes en vue
de participer à un événement hommage à Montréal dans le cadre des
festivités du 375eme anniversaire de la ville.
Il
se met rapidement au travail mais des circonstances familiales font
qu'il doit s'occuper d'autres sujets. |
Il
tombe malade au début de septembre – une mauvaise grippe croit-il –
mais après quelques jours, son épouse et ses enfants le convainquent
de se rendre à l'hôpital de Terrebonne où on lui diagnostique une
pneumonie.
Il
nous quitte le 9 septembre de complications pulmonaires.
Le
Québec tout entier lui rend hommage pendant plusieurs jours, une
foule compacte se retrouve à l'église de Terrebonne pour lui dire
adieu.
Tex me manque personnellement et son absence laissera toujours un
trou dans mon cœur.
Merci Tex et salut l'frère! |
|