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MARC POISSANT
1945 -
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EST DU / EASTERN
CANADA
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OUEST DU /WESTERN CANADA
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Comptant
parmi la relève déjà bien endossée par nombre d’amateurs et
collectionneurs d’art, l’autodidacte Marc Poissant apporte un
panorama actuel de la peinture québécoise la qualité particulière de
sa passion pour la lumière.
Né dans
le quartier Rosemont de Montréal en 1945, Marc Poissant grandit à
Hawksbury, dans un milieu où l’art et la culture ne pèsent pas
lourd.
C’est
son père qu en révèle le vaste domaine au jeune garçon et lui en
inculque la passion. Ce monsieur, né à Londres, est de son métier
inspecteur d’usine, mais à la maison il parle volontiers
littérature, musique ou peinture, en manifestant une affection toute
particulière envers Van Gogh et Gauguin.
Fasciné
par toutes ces révélations, Marc réclame dès l’âge de dix ans des
pinceaux et des couleurs. Il avait bien, comme d’autres camarades,
gribouillé dans ses cahiers des croquis ou des scènes d’aventures,
mais ce qu’il découvre, à travers son propre apprentissage de la
technique et dans l’exaltation de sa jeune sensibilité, c’est le jeu
infini des ombres et des lumières, à partir de tel matin de Pâques
où il en a la vision.
Il n’a
toutefois rien de ces jeunes prodiges à la Mozart, dont la précocité
éblouit. De caractère plutôt discret et solitaire, Marc passe son
adolescence à lire, des romans sans doute et des récits d’aventures,
mais davantage de biographies et des ouvrages traitant de sciences.
Et c’est ainsi qu’il entreprend ce qu’il appelle ses « véritables
études », qu’il poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui, et dont il
ne voit pas la fin, - toujours en autodidacte, « guidé par un choix
intérieur », celui de vouloir comprendre.
Comprendre quoi? – Tout! Le monde, l’histoire, la condition humaine,
la nature, à laquelle il reste profondément attaché depuis son
enfance, l’univers, celui de l’infiniment petit. Il collectionnera
des insectes ou des feuilles, il scrutera le ciel ou les flocons de
neige, il lira Lamarck et Darwin’ avant même de s’inscrire à
dix-huit ans en sciences à l’université.
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Le
découpage des études proprement scientifiques le déçoit, et il
poursuit ses explorations en sciences humaines, voguant de la
psychologie à l’anthropologie à la philosophie, refusant de se
brancher dans une seule spécialité. N’est-ce pas cela, se dit-il, «
l’université », un lieu ouvert à toutes les connaissances et éclairé
par l’antique précepte grec du « connais-toi toi-même »?
Mais une
telle façon de voir les choses n’est guère courante, et le jeune
Poissant ne peut concrétiser son idéal que par le détour des cours
du soir, moins soumis aux programmes rigides et souvent obtus des
facultés qui enfournent leurs étudiants en lots mécanisés sous la
tyrannie bureaucratique.
Et
ainsi, pendant cinq ans, Marc Poissant gagne sa vie en travaillant
en comptabilité et informatique dans une grande entreprise, et se
réserve par ailleurs soirées et week-ends pour nourrir son savoir et
sa culture, avec un appétit et une exaltation que les contingences
briment, au point de susciter une profonde frustration qui
provoquera un « burn-out ».
Indépendant et autonome d’instinct, et fier de l’être, le jeune
homme assume cette rude épreuve en ayant recours à ce qu’il connaît
déjà la psychologie et de la psychanalyse, mais la lumière lui
viendra surtout de mythologie et du symbolisme, qui lui semblent
constituer le fondement de toute pensée profonde, et par là de toute
spiritualité. Il s’intéresse ainsi davantage à l’Orient, au Tao, au
Zen, aux religions comparées, entre autres voies par des ouvrages de
Jung ou Joseph Campbell.
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Et
c’est aussi par là qu’il retrouve le chemin de l’art, révélé en
son jeune âge mais délaissé depuis l’adolescence. Il sent
désormais que la peinture lui permettrait de participer
personnellement et intimement au symbolisme universel, et il s’y
plonge avec ardeur, comme en un « noviciat » de quatre ou cinq
ans remplis d’exercices techniques, de visites de galeries ou
musées, d’études personnelles en histoire de l’art. Il sent
qu’il faut observer et comprendre ce que les « ancêtres » ont
fait, de Giotto à Matisse, des Flamands à l’impressionnisme, de
Barbizon à l’art abstrait, - avant de prétendre trouver sa
propre originalité, sa propres identité.
En
1975 Marc Poissant a trente ans, et il décide de vivre désormais
pour et par sa peinture. Il commence par exposer dans le
Vieux-Montréal des paysages d’inspiration post-impressionniste
faits au pastel sec, que des amateurs ou touristes achètent. Il
présente aussi des natures mortes, des personnages, des
compositions témoignant de ses recherches en atelier et
inspirées de divers courants esthétiques, figuratifs ou
abstraits.
Étant par ailleurs devenu père de deux enfants, il a acquis une
maturité largement nourrie de pensée orientale, qui laisse le
Temps faire son chemin. Il vit de son art en toute indépendance
d’école ou de coterie, assumant les complexités et
contradictions de sa situation, et poursuit sereinement sa quête
à la fois sur les plans technique et esthétique, culturel et
spirituel. Toujours fasciné par la lumière, il travaille à la
traduire et célébrer à travers divers pigments et procédés,
aquarelle et pastel, huile et acrylique, débouchant bientôt sur
de grandes surfaces où s’étale à la spatule une pâte généreuse. |
À
partir de 1980, il commence à exposer dans des galeries d’art,
sans se laisser influencer para les contingences du marché ou
les fluctuations de la mode. Son esprit indépendant le garde
fermement orienté vers la traduction de sa propre manière de
voir et comprendre le monde et la vie, bien au delà des sujets
traités et des moyens empruntés.
N’ayant jamais voulu jouer le bohème romantique, ni l’artiste
maudit, ni le parasite subventionné, Poissant poursuit sur la
toile blanche la projection inépuisable de ses visions, selon
l’intuition et l’inspiration du moment, reconstruisant l’espace,
réaménageant formes et couleurs, réorchestrant ombres et
lumières.
Beaucoup de ses œuvres se rattachent au genre « paysage », mais
ce sont des paysages « d’états d’âme » et non des descriptions
topographiques, ce sont des architectures d’espaces inventés au
fil d’une patiente et profonde méditation, et imprégnés d’un
sens sacré qui demeure le fil conducteur de sa démarche. |
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C’est
qu’au delà du sujet il y a l’émotion, au delà des apparences il y a
la substance, au delà des couleurs il y a la lumière, au delà de la
lumière il y a la pensée, et au delà de la pensée il y a le mystère,
dont le symbolisme universel dévoile quelques reflets, en subtiles
et chatoyantes facettes.
Il
semble bien que c’est là ce que vise Marc Poissant quand il peint,
et il s’en est particulièrement approché dans ses grands « paysages
» d’il y a quelques années, construits en strates horizontales où
les couleurs modulaient leurs harmonies sans référence aux éléments
narratifs du genre, comme arbres ou maisons, végétation ou rocher,
terre ou eau; sans non plus recours aux effets de perspective ni
même d’ombres et de lumières. Ces tableaux sécrètent leur propre
lumière, doucement mais fermement, avec sérénité et volupté, dans le
murmure de leur palette. On aurait pu penser, en les examinant, aux
grandes œuvres de Mark Rothko ou à certaines pièces de Clyfford
Still (dont le parti pris est plutôt vertical), mais Poissant y
démontre son originalité, enracinée dans la Nature dont il se fait
un lieu de méditation et de célébration, sans chercher par ailleurs
à pratiquer quelque grille stylistique identifiable par son degré de
maniérisme, comme chez les deux artistes américains qui viennent
d’être évoqués.
De fait,
on pourrait souligner chez Poissant une parenté plastique nourrie à
une tout autre source, soit celle de l’art orientale. Plus haut,
nous avons déjà noté son intérêt pour la pensée et la spiritualité
orientales, et sa peinture semble souvent s’inspirer directement des
sept caractères de l’esthétique Zen énumérés par Hisamatsu dans son
magistral ouvrage Zen and the Fine Arts : l’asymétrie, la
simplicité, l’austérité, l’authenticité, la discrétion,
l’indépendance, la sérénité.
Suivant
que ces sept caractères, on remarque que les tableaux de Poissant ne
sont jamais construits selon des principes de symétrie; qu’ils n’ont
recours à aucune formule compliquée ou prétentieuse, ni en
conception ni en technique; qu’ils n’utilisent aucun artifice de
séduction, sans toutefois verser dans une austérité rébarbative; que
leur dépouillement traduit simplement la relation approfondie de
l’artiste à la Nature et ses mystères, en toute |
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sincérité; que dans son œuvre comme dans sa carrière et sa vie
privée, il est d’une grande discrétion, et d’une aussi grande
indépendance d’esprit, loin de tout courant, à la mode ou non, et
aussi loin de chercher à imposer quoi que ce soit; et enfin que la
sérénité, patiemment acquise à travers les longues et tortueuses
recherches, et entretenue avec infiniment d’attention et de
dévotion, écarte avec fermeté les distractions et autres
sollicitations pour laisser place à la méditation, à la
contemplation.
Autre
parenté à souligner, après ces sept caractères : Poissant de date
pas ses œuvres et semble partager une certaine attitude orientale
qui préfère s’installer dans le cours du Temps et s’y laisser
porter, plutôt que de s’obstiner à vouloir dompter le temps, le
mesurer ou fixer, le découper et monnayer, comme les Occidentaux
sont trop portés à le faire. |
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Non
seulement Poissant ne date pas ses tableaux, mais il ne les titre
pas non plus, - ce qui contribue à les détacher des contingences, à
les envelopper dans leur propre univers, tissé et pétri de couleurs
qu’habite la subtile et inépuisable pulsion de la lumière. Et devant
la toile blanche, que l’artiste considère comme un lieu de rencontre
ou d’accomplissement, et non comme un défi ou un piège angoissant,
s’engage la graduelle éclosion du nouveau tableau, d’un geste à
l’autre, en une exploration qui se découvre à mesure qu’elle se
fait, sans préjugé ni carcan.
Les
formes naissent ainsi des formes, les couleurs s’assemblent et
s’ajustent, les lignes à l’occasion dégagent des profils ici
d’arbres ou là de personnages ou de fleurs, mais sans insister et en
conservant toujours la priorité à la qualité propre du tableau, -
ouvert à la fois dans le cours de la démarche de l’artiste et dans
le regard des amateurs qui s’y glissent pour y découvrir une
généreuse source de délectation et d’inspiration.
Attentif
à sa gestuelle et en même temps accueillant aux trouvailles
fortuites, le peintre poursuit sa voie, à la fois évolution et
quête, comme en une vaste spirale où intervient parfois la «
serendipity » proposée jadis par Walpole pour traduire la grâce de
découvrir par bonheur ce qu’on ne cherche pas. Ceci ramène à la
disponibilité de l’artiste, lancé sur une voie dont il ne sait pas
clairement ni les méandres ni la destination. |
Devant certains tableaux de Marc Poissant, j’évoque le peintre
Nicolas de Staël, et il reconnaît aussitôt l’admirer pour la
sensualité de ses pâtes et de sa lumière, comme il admire un
Rothko pour le chatoiement de ses couleurs ou un Riopelle pour
la rythmique de ses compositions.
Plus
récemment, Marc Poissant brosse, ou plutôt « spatule » ce qu’il
nomme des « paysages oniriques », où il laisse subconscient et
imagination aux commandes. Ne perdant jamais de vue l’importance
centrale et substantielle de la lumière, il se laisse aller,
tout heureux de peindre et d’en vivre, - en espérant que ses
œuvres en rendent aussi d’autres heureux.
Aucune prétention de dogmatisme ou de message chez lui, mais
seulement une délicate sensibilité, toute dévouée à ce qui
l’épanouit et la traduit le mieux, dans la pureté t
l’indépendance d’un tel indomptable autodidacte : ses tableaux.
Guy
Robert, journaliste, Le Collectionneur, Volume IX, numéro 33,
octobre 1995 |
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